Tchad
La justice tchadienne a condamné lundi à des peines d’emprisonnement de 10 à 20 ans plus de 240 rebelles, sept mois après l’avancée de leur colonne dans le nord-est du Tchad stoppée par des frappes françaises.
Mis à jour à 17h 30 GMT
Début février, le groupe armé Union des forces de la résistance (UFR) emmené par Timan Erdimi, neveu du président tchadien Idriss Déby Itno, était entré sur le territoire à partir de la Libye.
A la demande de N’Djamena, la France avait procédé à trois reprises à des frappes d’avions Mirage 2000 contre la colonne qui voulait renverser le président tchadien.
Plus de 260 personnes avaient ensuite été interpellées par les autorités tchadiennes et transférées à Koro Toro, une prison de haute sécurité située dans le désert.
Leur procès devant la Cour criminelle spéciale, ouvert il y a une semaine, a mené à la condamnation à des peines d’emprisonnement de 10 à 20 ans pour 243 d’entre eux accusés de “terrorisme” et “complicité de terrorisme”, a indiqué à l’AFP le ministre tchadien de la justice, Djimet Arabi. Parmi les accusés, 24 mineurs ont été relaxés.
Le Tchad a aussi condamné “à la perpétuité par contumace une dizaine de responsables se trouvant en dehors du Tchad”, dont leur chef, Timan Erdimi, a précisé le ministre. Ils ont été reconnus coupable de “terrorisme” et “d’enrôlement d’enfants”.
Cette décision “montre que le Tchad est un Etat de droit (…). Ils ont bénéficié d’un procès équitable, avec quatre avocats commis d’office qui sont partis les défendre”, a déclaré mardi le ministre, joint au téléphone depuis Libreville.
“Prisonniers de la France”
Au contraire, Jean Bosco Manga, fondateur du Mouvement citoyen pour la préservation des libertés (MCPL), souligne l’“aspect subjectif de ces condamnations”.
“On a l’impression que l’Etat utilise la justice et les éléments juridiques nationaux pour des règlements de comptes”, a-t-il expliqué à l’AFP.
L’UFR a pour sa part indiqué à l’AFP ne pas reconnaître ces condamnations : “Il n’y a pas de droit dans ce pays”, a affirmé son porte-parole, Youssouf Hamid, qui dit “n’avoir jamais été contacté par des avocats”. De même, le groupe armé ne reconnait pas le nombre “de 267 personnes interpellées” après l’intervention et parle “d’une centaine d‘éléments”.
Ils “devraient être prisonniers de la France, des prisonniers de guerre entre les mains des Français”, a ajouté M. Hamid, dont le groupe armé avait dénoncé l’intervention française pour stopper leur avancée.
À l‘époque, l’intervention avait été très critiquée par les partis d’opposition tchadiens et français, une “ingérence” de Paris selon eux dans les affaires internes tchadiennes.
Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, avait justifié l’intervention mi-février devant l’Assemblée nationale, arguant d’une menace de “coup d’Etat” et assurant qu’elle était “conforme au droit international”. Il avait fait le parallèle avec l’intervention française Serval au Mali en 2013 quand une colonne de groupes jihadistes du Nord se dirigeant vers la capitale, Bamako, avait été bloquée.
L’UFR est un groupe armé né en 2009 dont la majorité des membres et des chefs sont à l’origine d’une tentative de putsch en 2008.
La voie des armes
A l‘époque, venue de l’Est, la rébellion avait été stoppée in extremis aux portes du palais présidentiel de N’Djamena grâce à l’appui de l’allié français. Après cet épisode, M. Erdimi avait été condamné à mort par contumace par la justice tchadienne.
L’est et le nord-est tchadiens, régions désertiques frontalières du Darfour soudanais, ont été par le passé théâtre de nombreux affrontements entre rebelles tchadiens et forces loyalistes à N’Djamena.
Au Tchad, toutes les transitions politiques se sont faites par la voie des armes depuis l’indépendance, en 1960.
Depuis son arrivée au pouvoir en 1990 avec l’aide de Paris, Idriss Déby, qui avait renversé Hissène Habré, a toujours pu compter sur son allié français. Paris a installé à N’Djamena le QG de sa force antiterroriste Barkhane en 2014, destinée à contrecarrer l’expansion militaire des groupes jihadistes dans la zone sahélienne.
AFP
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